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Les enjeux de la Collectivité Territoriale d'Alsace (anciennement Conseil Unique d'Alsace) : des éléments pour débattre. Institutions d'avenir ou illusion collective ? --- Analyses proposées par Mathieu Lavarenne, président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin et conseiller municipal (indépendant) dans un petit village alsacien. Plus de 22 000 visiteurs uniques en quelques semaines. Blog qui a "fait se dresser les cheveux sur la tête" de Philippe Richert, référencé par France Info.

Conseil d’Alsace – Un projet précipité

 

 

 

Collectivité Territoriale d’Alsace – Consultation du 7 avril 2013

 

Un projet précipité 

 

 

Collectivite-territoriale-Alsace-ayez-confiance.jpgDans le débat, qui a du mal à prendre dans l’opinion, certains prétendent que le projet proposé, annexé à la question officielle, serait le fruit d’une longue élaboration. Mais la précipitation avec laquelle le referendum est venu sur le devant de la scène, tout comme les très récentes évolutions du projet, doivent inciter l'électeur à la prudence.


Le premier "congrès d'Alsace" (réunion de tous les conseillers généraux et régionaux) a eu lieu le 1er décembre 2011. Mais ce n'est que le 24 novembre 2012 que la décision d’un referendum a été formellement prise, pour le 7 avril. Soit un délai de seulement quatre mois et demi entre l'annonce et sa réalisation. Avec l'inertie habituelle des affaires politiques, c'est peu de temps pour que les gens, d’abord en entendent parler, s’informent et en discutent, puis décident du bulletin qu'ils vont choisir, s'ils se déplacent.

 

Le flou total, il y a moins de 6 mois...

 

Il y a moins de 6 mois, lors de la dernière réunion du Groupe Projet sur le Conseil d'Alsace (le 6 octobre 2012), rien n’était tranché. Il était encore envisagé sérieusement, par des protagonistes de cette affaire, de transformer l'actuel CESER (conseil consultatif de la région) en "assemblée délibérative" avec Colmar pour siège, et d'instituer un "conseil exécutif" à Strasbourg (afin que le véritable siège soit dans cette ville qui a légitimement peur de perdre son statut de capitale européenne en cas d'affaiblissement au niveau régional).

 

Selon le fil de discussion de la réunion, tenu par Pierre France (Rue89 Strasbourg), Philippe Richert faisait d'ailleurs état de ses interrogations : « Est-ce qu’on aura une ou deux assemblées ? La Région est formée de deux assemblées, le Ceser et le conseil régional. Est-ce qu’on garde le Ceser et le Conseil d’Alsace, ou est-ce qu’on sépare législatif et décisionnel ? C’est une vraie question… A titre personnel, je n’avais pas encore d’avis. On peut imaginer avoir deux assemblées, une pour le délibératif avec le Ceser, une pour l’exécutif, le gouvernement d’Alsace. A titre personnel, je pense que ça peut fonctionner ainsi. » C'est bien flou, pour une dernière réunion du "groupe" chargé d'élaborer le projet... A noter la notion de "gouvernement d'Alsace", utilisée de plus en plus régulièrement par le président du conseil d'Alsace, et qui renvoie à bien des fantasmes.

 

Et à peine un mois et demi plus tard, le 24 novembre 2012, la résolution du "2ème congrès d'Alsace" adoptait le plan proposé actuellement, tout en se laissant la possibilité d'en changer... après le vote... : une « assemblée d'Alsace », cette fois-ci à Strasbourg, un « conseil exécutif » à Colmar, et le Céser remplacé par... le Céser (dont certains laissent entendre qu'il pourrait migrer à Mulhouse), afin de donner un os à ronger dans un sud régional, loin d'être acquis à la cause. Mais ce type de promesses n'engage que ceux qui y croient.

 

Et les doutes subsistent au point que Philippe Richert a reconnu, à moins d’un mois de l’échéance : « dans le document qui accompagne le projet, tout n’est pas figé... » (le 9 mars sur France 3 Alsace). Autrement dit, rien n'est figé. Nous allons voter pour un projet qui n’a rien de définitif. C’est ce qu’on appelle un chèque en blanc.

 

"Paroles, paroles..." 

 

Certains ont peut-être parlé d'une "Alsace unie" dès 1924, sans que cela n'ait eu aucune suite, mais cela fait à peine moins de dix ans que l'on "tripatouille" dans nos institutions pour rendre possible une telle consultation. Entre 1958 et 1992, il n'y a eu que 5 révisions constitutionnelles en 34 ans ; depuis cette date, en 20 ans, la France a connu 20 modifications de sa constitution). Se référer à la "régionalisation" proposée par Charles de Gaulle en 1969 est donc douteux, d'autant plus que le "général" n'aurait évidemment jamais accepté l'idée d'un bricolage institutionnel à la petite semaine, dans un seul coin de la France, sans que cela ne soit porté par la vision plus large d’une réforme nationale de nos institutions.

 

Ce projet, c’est donc comme si l’on parlait pendant longtemps de faire des travaux dans une commune (par exemple construire une nouvelle salle municipale) et, tout à coup, justement parce qu'on en aurait parlé trop longtemps et qu'on  se serait jusque-là contenté de mots, on se précipiterait pour faire des plans, pour lancer les appels d'offre, pour choisir l'entreprise et les matériaux, pour lancer les travaux... Au risque (élevé) de bâcler le projet.

 

Alors, pourquoi une telle précipitation ?

 

Plusieurs hypothèses :


1/ Par amateurisme ou par incompétence ? Très peu probable.

 

2/ Pour éviter de tomber dans le créneau d'autres élections (car la loi oblige à un délai de 6 mois avant ou après d'autres élections) ? Mais rien n'empêchait de laisser passer les municipales, avec ce débat en toile de fond, laissant les arguments des uns et des autres émerger, les idées fuser, l'opinion publique se façonner progressivement, puis faire campagne pour les prochaines élections territoriales (ou quel que soit leur nom après la mise en place de l'acte III de la décentralisation), en mettant cette question institutionnelle sur la table. Les nouveaux élus auraient expressément été mandatés sur cette question lors des élections de 2015. En plus d’être mûri, le projet aurait été légitime, contrairement à celui-ci, élaboré à la va-vite, restant dans le flou pour ménager la chèvre, le chou et le loup. Il est facile aujourd'hui de jouer la mijaurée en faisant vibrer la corde de l'urgence et de l'occasion-unique-qui-ne-se-représentera-plus-jusqu'à-la-fin-des-temps... Ce discours vise plus à empêcher de réfléchir que l'inverse.

 

3/ Pour une question d'égo ? Philippe Richert voulait-il être encore absolument le président du conseil régional au moment du vote (ce qui n’est pas certain en 2015), lui qui répète en permanence que c'est un événement "historique", afin d’y accoler son patronyme ? Le président du conseil régional serait-il victime du syndrome de la "pyramide du Louvre" ? Certains le pensent. Et puis, chef du "gouvernement alsacien", ce sera peut-être un titre envié...

 

4/ Pour prendre de vitesse le gouvernement actuel ? Autrement dit pour damer le pion à l'Acte III de la décentralisation. Philippe Richert avait été nommé ministre des collectivités locales en 2007 pour élaborer ce projet (suite à l'échec en 2003 des referendums où, notamment les Corses, ont rejeté le projet proposé par la majorité de leurs élites politiques) et le faire passer rapidement. Or tout a été retardé par les apparentes tergiversations de Charles Buttner (ce dernier pensait, à juste titre, qu'il était nécessaire de donner des gages au Haut-Rhin, point faible du scrutin, car chacun des départements doit dire "oui" séparément). Au lieu de se tenir fin 2011, comme c’était envisagé, la consultation a été repoussée à début 2013 (2012 étant bloquée par les présidentielles et législatives). Nicolas Sarkozy n'a pas été réélu, Philippe Richert n'est plus ministre, et sa marge de manoeuvre s'est donc réduite. Mais comme le gouvernement socialiste a son propre projet dans les tuyaux (l'acte III de la décentralisation), il conviendrait donc d'aller plus vite que François Hollande (qui lui-même pourrait bien savonner la planche avec Strasbourg-eurométropole). Nous serions face à des manoeuvres politiciennes assez éloignées de l'intérêt général (français et alsacien). Une guerre de chapelle, en somme. Tout en répétant l'inverse, la bouche en coeur. Il n'y aurait hélas rien d'étonnant à cela.

 

5/ Pour éviter que le débat ne prenne trop de place dans l'opinion ? Nos élites ont en effet été échaudées par les résultats du referendum de 2005, sur le projet de traité constitutionnel européen, au point que certains regrettent parfois ouvertement d’avoir donné la parole au peuple, après un débat public comme il y en avait pourtant rarement eu. La récente volonté de faire sauter, en catimini, le seuil des 25% d'inscrits pour le oui dans la consultation qui nous intéresse aujourd’hui, va dans le même sens : des élus qui se prennent pour des Elus (eux savent, nous pas), non plus des représentants de ce peuple d'ignorants, auprès desquels il s'agirait de faire preuve de « pédagogie », comme un professeur à l’égard de ses jeunes élèves.

 

Au final, ne serait-ce pas un peu pour toute ces raisons à la fois ? C’est fort possible.

 

Quoiqu'il en soit, cette douteuse précipitation doit nous pousser à être circonspects. Et, pour être tout à fait prudents, le bizarre seuil de 25% pour le "oui" doit nous inciter à voter "non" plutôt que de tomber dans le piège de l'abstention.

 

 

Mathieu Lavarenne

Président du Cercle républicain 68

Conseiller municipal indépendant

 

 

--> Lien vers le blog en général

 

L'analyse des résultats :

infographie-les-resultats-du-referendum

 

--> En Alsace, c’est  « non » ! (où l’on trouvera des éléments d’analyse pour comprendre les résultats du 7 avril 2013 et faire le bilan de la campagne référendaire).

 

 

 

 

D'autres articles sur ce blog :

 

 

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--> La surenchère régionaliste en Alsace.

 

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