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Les enjeux de la Collectivité Territoriale d'Alsace (anciennement Conseil Unique d'Alsace) : des éléments pour débattre. Institutions d'avenir ou illusion collective ? --- Analyses proposées par Mathieu Lavarenne, président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin et conseiller municipal (indépendant) dans un petit village alsacien. Plus de 22 000 visiteurs uniques en quelques semaines. Blog qui a "fait se dresser les cheveux sur la tête" de Philippe Richert, référencé par France Info.

Collectivité Territoriale d'Alsace - Modalités pratiques du scrutin - Le seuil des 25%

 

Collectivité Territoriale d'Alsace - Consultation publique du 7 avril

 

L'enjeu des 25%

 

 

Alors que nous avons pour le moment échappé aux traditionnels sondages qui alimentent le feu médiatique, avec surtout beaucoup de fumée et parfois un effet démobilisateur, avec aussi des sondés pouvant changer d'avis, quand ils en ont déjà un, il convient tout de même de sortir quelques pourcentages afin de faire le point sur les modalités du scrutin alsacien du 7 avril 2013, qui rappelons-le n'est pas un cadeau démocratique d'élus généreux, mais une obligation légale. Par une loi qu'on a déjà récemment tenté de minorer.

 

CTA simulation 25 pour cents v2On a déjà lu tout et n'importe quoi sur la question du seuil des 25% que le "oui" doit atteindre pour être pris en considération (y compris sur ce blog!). Revenons donc plus en détail sur les textes officiels, tout en restant simple.

 

Tout d'abord, il faut rappeler que, contrairement aux facilités de langage, nous n'avons pas à nous exprimer dans le cadre d'un referendum local (rendu possible par une loi de 2003 dans le cadre des compétences des collectivités), mais d'une consultation publique de type référendaire, c'est-à-dire organisée comme un referendum (selon l'article LO 1112-3) mais avec des modalités sensiblement différentes. Et en l'occurrence moins contraignantes. Explications.

 

      Le "oui" peut l'emporter avec moins de 50% de participation


Selon le Code général des Collectivités Territoriales, qui définit les modalités pratiques d'un referendum local, un projet ne peut être adopté que "si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s'il réunit la majorité des suffrages exprimés" (Article LO1112-7).

 

         --> Soit 50% des exprimés, à condition qu'un seuil de 50% de participation soit atteint. Autrement dit, si seulement 40% des électeurs se déplacent, même si le "oui" trône à 80%, c'est retoqué. Comme un referendum doit concerner des sujets cruciaux pour les citoyens, ils mobilisent généralement pour le oui ou pour le non (80% en 1958 sur la constitution ainsi qu'en 1969 sur la régionalisation, 77% en 1962 sur l'élection au suffrage universel du président, 70% en 1992 sur Maastricht tout comme en 2005 sur la Constitution européenne). Avec l'exception notable de 2000 sur le quinquenat qui n'a déplacé que 30% des électeurs avec 73% de "oui", la sagesse a voulu que l'on établisse en 2003 ce seuil de 50% pour un referendum local. Et si moins de la moitié des électeurs se déplace, c'est que le sujet n'en valait pas la peine et qu'il ne répond pas, de fait, à des attentes de la population.

 

A l'inverse, dans le cas qui nous concerne pour le 7 avril, à savoir une consultation de type référendaire pour des évolutions institutionnelles (en l'occurrence un projet de fusion de collectivités) tel que cela a été défini par une loi de 2010 lorsque Philippe Richert était ministre des collectivités territoriales, "le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de fusion recueille, dans chacun des départements concernés, l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits" (article L4124-1 II).

 

         --> Autrement dit, avec une participation de 50% ou plus, il faut 50% de "oui". Mais avec 40% de participation (bulletins exprimés), le "oui" peut passer en atteignant 62,5% des suffrages, afin de représenter 25% des inscrits : (25x100)/40. Avec une participation de 30%, il faut que le "oui" atteigne 83,3%. A 25% de participation, il faudrait théoriquement 100% de "oui". S'il est important, le nombre de bulletins blancs et nuls pourrait aussi être déterminant. A noter encore que chacun des deux départements doit répondre séparément à ces critères.

 

Résumons.

Contrairement à un referendum local, le 7 avril, le "oui" peut tout de même passer même en cas de participation inférieure à 50%.

 

      Des élites convaincues... mais les citoyens ?


C'est justement ce seuil des 25% que d'ardents promoteurs du "oui" ont tenté de faire sauter en novembre 2012. Misérable conception de la démocratie ! Combien sont-ils peu sûrs d'eux-mêmes et de leur légitimité !?! Alors même qu'on nous serine depuis si longtemps que c'est LE projet attendu de tous les Alsaciens (c'est la petite musique d'ambiance depuis au moins 2010, à partir de sondages réalisés dans le vide sur la base de principes généraux et généreux).

 

Actuellement, si l'on observe les résultats des votes dans les différentes instances (conseil régional et conseils généraux), nos élus ont voté ultra-majoritairement pour le "oui", à plus de 80% voire 92% lors du Congrès d'Alsace le 24 novembre dernier. A l'échelle des partis et officines, nous savons d'ores et déjà que c'est oui pour le PS68, pour l'UMP68 et l'UMP67, pour EELV, trois fois oui pour les réseaux autonomistes d'Unser Land, d'Alsace d'Abord et d'Unsri Heimet. Nous savons que c'est non pour le PS67, pour DLR et pour le FDG. Oui et non pour le FN (oui sur le principe, non sur la méthode, oui en local, non au national).

 

Souvenons-nous de quelques précédents : en 2003, lorsque l'immense majorité des élus de Corse et des partis installés appelaient à voter oui, le non l'emporta tout de même à 51%, avec 60% de participation ; en 2005, 92% des parlementaires français avaient approuvé le projet de traité constitutionnel européen, et ce fut le non qui l'emporta à 55% et un taux de participation à 70%.

 

Etant donné le divorce grandissant entre le peuple et ses élites, l'engagement des élus et des partis ne sont donc pas vraiment représentatifs, si ce n'est qu'ils vont évidemment accaparer l'espace public (visuel et sonore) durant les 15 derniers jours de la campagne officielle...

 

      ...SAUF si la participation est faible


Car le calcul (en leur for intérieur) de certains partisans voire initiateurs du projet est assez simple : avec une faible participation, le vote se rapproche tendanciellement du rapport de force entre les partis : en effet, ce seront les partis et les officines politisées qui mobiliseront avant tout leurs réseaux, surtout si les partisans du "non" n'ont pas d'accès aux tribunes publiques et à l'affichage officiel. Avec tout de même l'écueil des 25%, dont on comprend maintenant pourquoi il gênait tant.

 

Alors, certes, le calcul pourrait être bien mal senti, et provoquer l'inverse de ce qui est souhaité (quand on entend tout le monde crier oui, on finit par voter non...).

 

Restons vigilants, car dans l'aventurisme institutionnel du projet de Collectivité Territoriale d'Alsace, 25% à 50% des électeurs inscrits pourraient bien entraîner les 50% à 75% restants là où ils ne croyaient pas aller.

 

 

 

--> Mise à jour du 17 mars 2013 : Voter "non" ou s'abstenir ?


Parmi les opposants au projet, certains envisagent de ne pas aller voter afin de faire tomber la participation, et dans l'espoir de faire capoter le projet. C'est pourtant une erreur de perspective.

 

En effet, nous ne sommes pas face à un seuil de participation classique, mais un seuil de votants pour le "oui" qui doit concerner au moins 25% des inscrits. Autrement dit, quand on est opposant, hésiter entre le "non" et l'abstention, cela ne réduit pas le nombre de "oui". Ce serait donc à peu près indifférent. SAUF QUE : 

 

1/ Si le nombre de "oui" atteint le seuil de 25% des inscrits (par exemple, environ 125 000 bulletins "oui" dans le Haut-Rhin, ce qui est possible, la seule façon pour les opposants au projet d'y changer quelque chose, c'est de voter massivement "non" et de le dépasser parmi les suffrages exprimés. C'est aussi encourager ses proches à aller voter "non".

 

2/ Si le 7 avril, le "oui" devait l'emporter tout de même, deux possibilités :

     - ou bien l'abstention des opposants a été massive et le nombre de bulletins "non" est faible, ce qui donnera mathématiquement un score de république bananière pour le "oui" (au-dessus des 70%, pourquoi pas 80% voire plus). Ce qui donnera un poids beaucoup plus grand pour le "oui" lors des négociations futures avec le gouvernement et le parlement. Quant à l'abstention, elle sombrera dans l'oubli, tout comme le nombre de bulletins blancs et nuls, comme à chaque élection. C'est le pourcentage des exprimés pour le oui et pour le non qui seront publiés dans la presse et utilisés par les promoteurs. Pour les abstentionnistes d'opposition, on les rangera parmi les indifférents. "Et tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à s'intéresser à l'affaire" !

     - ou bien le nombre de bulletins "non" est élevé, et le score du oui est donc automatiquement plus faible (à peine au-dessus des 50% d'exprimés) : il sera dans ces conditions plus difficile de négocier avec le législateur.

 

Car rappelons encore une fois que ce sur quoi nous votons, contrairement aux apparences, ce n'est pas le projet que l'on trouve sur les documents officiels : la loi du 16 décembre 2010 n'autorise que le vote sur le principe de la fusion des collectivités, à compétences égales.

 

L'usine à gaz complexe qui nous est proposée, de même que les compétences qui sont annoncées, n'ont rien de contractuel. C'est d'ailleurs pour cette raison que les promoteurs du projet ont été obligés d'enlever une partie de la question, telle qu'elle était prévue au départ ( "répondant aux principes d’organisation énoncés ci-dessous" a en effet été rayé du document officiel). 

 

Philippe Richert l'a lui-même annoncé tel quel : il s'agit de faire voter massivement les Alsaciens pour le oui, afin de pouvoir peser ensuite sur le législateur. Dans cette stratégie, ce serait même un atout que ses opposants se démobilisent et préfèrent l'abstention au vote "non" !

 

 

 

  Mathieu Lavarenne

Président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin

Conseiller municipal indépendant


 

 

CTA simulation 25 pour cents v2

 

 

 

 

 

--> Sommaire

 

 

L'analyse des résultats :

infographie-les-resultats-du-referendum

 

--> En Alsace, c’est  « non » ! (où l’on trouvera des éléments d’analyse pour comprendre les résultats du 7 avril 2013 et faire le bilan de la campagne référendaire).

 

 

 

 

D'autres articles sur ce blog :

 

--> Après le 7 avril... 

 

--> Dix raisons de voter NON

 

--> La notice d'information "hors la loi" - pour quoi votera-t-on : un projet ou une fusion ?

 

--> Le schéma trompeur de la notice dite d'information

 

--> Le Non (censuré !?) de Bernard Notter, vice-président du Conseil général du Haut-Rhin !

 

--> La prudence avisée des Conseils de développement Mulhouse-Thur-Doller

 

--> Un projet précipité

 

--> Les médias qui protègent le "oui"

 

--> Le flop des réunions pour le "oui"

 

--> Menace sur les communes ! Où est la proximité ?

 

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--> Rien n'est joué d'avance... : la mobilisation sur internet sera cruciale

 

--> Le 7 avril : NON, pas l'abstention !

 

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--> Ils diront non : les arguments de Constant Goerg, Jean Ueberschlag ou encore Pierre Freyburger

 

--> Conseil d'Alsace : des infographies pour mieux comprendre

 

--> Sondage : le grand malentendu du "Oui"

 

--> Oui - Non : deux poids, deux mesures ?!? Lettre ouverte à la présidente de l'Université de Haute Alsace

 

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--> Vers la suppression des 25%?

 

--> Comment transmuer le simple en complexe (et vice-versa)

 

--> Le referendum d'initiative locale : mise en perspective.

 

--> La Collectivité Territoriale d'Alsace : LES DOCUMENTS.

 

--> Un Conseil pas Unique du tout : le Conseil Complexifié d'Alsace

 

--> La surenchère régionaliste en Alsace.

 

--> La tentation ethnique des Verts et le soutien du PS.

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