Les enjeux de la Collectivité Territoriale d'Alsace (anciennement Conseil Unique d'Alsace) : des éléments pour débattre. Institutions d'avenir ou illusion collective ? --- Analyses proposées par Mathieu Lavarenne, président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin et conseiller municipal (indépendant) dans un petit village alsacien. Plus de 22 000 visiteurs uniques en quelques semaines. Blog qui a "fait se dresser les cheveux sur la tête" de Philippe Richert, référencé par France Info.
3 Décembre 2012
Une consultation publique de type référendaire sera organisée dimanche 7 avril 2013, en Alsace seulement, pour proposer une évolution institutionnelle majeure en France, qui aurait pour conséquence la suppression de deux départements (Haut-Rhin et Bas-Rhin), par la fusion des trois collectivités existantes (conseil régional d'Alsace et conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin), afin de les remplacer par une Collectivité Territoriale d'Alsace, composée d'une Assemblée d'Alsace aux pouvoirs étendus (notamment en matière d'éducation et de culture, de tourisme et d'économie, ou encore de coopération transfrontalière, c'est-à-dire d’une partie des affaires étrangères), dont le siège sera à Strasbourg, ainsi que d’un Conseil exécutif d’Alsace, souvent nommé "gouvernement d'Alsace" par le président du conseil régional Philippe Richert, annoncé à Colmar. Mais la réalité est encore plus complexe, car il faut y ajouter deux conférences départementales sans existence juridique plus une dizaine de Conseils de Territoire de vie. Sans oublier encore la problématique de Strasbourg eurométropole.
En novembre 2012, des sénateurs ont déjà proposé un amendement, heureusement rejeté, afin de supprimer totalement le seuil de participation (déjà bas) de 25% des inscrits pour le oui qui permettrait d'en valider le résultat, pour aller ensuite négocier une loi auprès du gouvernement et du parlement.
On peut donc légitimement craindre que le débat public n’ait pas vraiment lieu, par peur qu’il ne tourne en défaveur du projet. D'autant plus que nous sommes dans une profonde ambiguité : la loi de 2010, qui autorise la fusion expérimentale entre collectivités départementales et régionales, parle d'une fusion à compétences égales. Or, dans le document distribué à tous les électeurs, la question qui concerne la fusion est accompagnée d'une annexe qui annonce notamment des compétences supplémentaires et spécifiques (ce qui est à proprement parler hors-la-loi, au point que la question a dû être modifiée au mois de janvier pour enlever la mention "répondant aux principes énoncés ci-dessous"). Le but étant explicitement de faire penser aux citoyens qu'ils votent pour ce projet, afin de faire ensuite pression sur le législateur, en espérant que le "oui" rafle largement la mise, et en espérant l'abstention des opposants.
Que nous soyons ou non alsaciens, quelles que soient par ailleurs nos opinions politiques, nous demandons aux médias, aux élus et plus largement à l’ensemble des citoyens de s’emparer de cette question afin d'en analyser clairement les enjeux sur la place publique, et de ne pas se contenter d'une compilation de tribunes pour le Oui. Une méthode qui n'avait d'ailleurs pas marché en Corse en 2003, ni dans l'Outre-Mer en 2010.
Il sera de notre reponsabilité collective de faire en sorte que ce débat ne dérape pas, en restant toujours mesurés dans nos propos. Tous les ingrédients du dérapage sont pourtant là. Depuis qu'en 2003 l'idée même de referendum local a été rendue possible par le ministre de l'intérieur de l'époque, il est à craindre qu’une telle disposition puisse réveiller de profondes fractures, blessures et fantasmes, en Alsace et ailleurs en France. C'est une boîte de Pandore qui s'est possiblement ouverte, de laquelle sortent déjà les vieilles lubies autonomistes prêtes à tout pour souffler sur les braises du feu identitaire.
Loin de devenir plus unie, l'Alsace pourrait bien en sortir profondément marquée et divisée, et pour longtemps, loin des incantations naïves du moment. La responsabilité en sera à celles et ceux qui auront voulu se transformer en apprentis sorciers des institutions pour bouleverser (inutilement en plus, car sans économies réelles, sans simplification non plus), le fragile équilibre politique sur lequel reposent la France et la République.
Mathieu Lavarenne
Président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin
Conseiller municipal indépendant
--> Sommaire
L'analyse des résultats :
--> En Alsace, c’est « non » ! (où l’on trouvera des éléments d’analyse pour comprendre les résultats du 7 avril 2013 et faire le bilan de la campagne référendaire).
D'autres articles sur ce blog :
--> Le NON (censuré !?) de Bernard Notter, vice-président du Conseil Général du Haut-Rhin ! (où l'on lira la tribune inédite de Bernard Notter, vice-président du Conseil Général du Haut-Rhin, envoyée à la presse avec pour seul effet que son auteur a été moqué par un journaliste de L’Alsace, dimanche 31 mars, sans même que son texte ne soit publié).
--> Un projet précipité (où l'on verra que l'on nous demande de voter pour un projet précipité, dont les grandes lignes ont été tracées à la va-vite et où rien ne sera figé avant le scrutin).
--> Les médias qui protègent le "oui" (où l'on verra combien il est difficile d'être un opposant au projet de Collectivité Territoriale d'Alsace au regard des dérives des médias locaux)
--> Le flop des réunions pour le "oui" (où l'on verra combien la mobilisation est laborieuse dans les réunions pour le oui et où l'on pénétrera un peu dans la bulle de nos responsables politiques)
--> Menace sur les communes ! Où est la proximité ? (où l'on verra qu'au-delà de la suppression des départements, c'est toute une autre organisation de la vie publique et politique qui se prépare, avec notamment un renforcement des Com com et d'agglo, au très large détriment des communes)
--> Rien n'est joué d'avance... i-campagne pour un "non" de raison et de prudence (où l'on verra que les jeux sont loin d'être faits pour le "oui" et que la mobilisation sur internet sera cruciale)
--> Le 7 avril : NON, pas l'abstention ! (où l'on apprendra que s'abstenir le 7 avril, c'est risquer fortement de favoriser le "oui" à cause de l'étrange seuil de 25% des inscrits pour le "oui" qui n'a rien à voir avec un taux de participation classique)
--> Point de vue de l'historien Georges Bischoff : "ne pas se tromper d'Alsace"! (où l'on verra que les mots utilisés dans le débat sont lourds de sens et qu'il s'agit de ne pas se laisser aller à la facilité des formules démagogiques, voire mythologiques, qui invoquent un supposé "destin de l'Alsace" ou invitent les Alsaciens à "prendre leur destin en main")
--> Ils diront non : les arguments de Constant Goerg, Jean Ueberschlag ou encore Pierre Freyburger (où l'on découvrira les arguments de personnalités publiques engagées pour le non, comme l'ancien président du conseil général du Haut-Rhin Constant Goerg, l'ancien député-maire de Saint-Louis Jean Ueberschlag, ou le conseiller général et conseiller municipal de Mulhouse Pierre Freyburger)
--> Conseil d'Alsace : des infographies pour mieux comprendre les enjeux de la consultation du 7 avril 2013 (où l'on retrouvera les différentes infographies créées pour ce blog avec commentaire)
--> Sondage : le grand malentendu du "Oui" (où l'on verra, après la publication du premier sondage, que les électeurs sont a priori favorables au projet à condition qu'il y ait des économies et de la simplification administrative : or c'est ce qui n'est justement pas au rendez-vous)
--> Oui - Non : deux poids, deux mesures ?!? Lettre ouverte à la présidente de l'Université de Haute Alsace (où l'on découvrira que les locaux de l'Université de Haute Alsace sont utilisés par les partisans du "oui", mais interdits à ceux du "non")
--> Economies, êtes-vous bien là ? (ou comment on cherche à faire passer 30 millions d'euros sur 5 ans pour des économies substantielles alors que le budget cumulé des trois collectivités est de 2 milliards 766 millions pour la seule année 2013)
--> Comprendre les enjeux du seuil de 25% des inscrits (ou comment moins de la moitié des citoyens inscrits sur les listes électorales pourraient emmener la grande majorité là où ils ne pensaient pas aller)
--> L'Eurométropole ET le Conseil (pas unique) d'Alsace (ou comment l'annonce par François Hollande d'un statut exceptionnel d'eurométropole vient complexifier encore plus la donne de la Collectivité Territoriale d'Alsace)
--> Charles Buttner : ni économies, ni simplification ! (ou comment le président du CG68 avoue qu'il n'y aura ni économies mais simplification et que sa seule préoccupation est de gagner en autonomie)
--> L'oubli de la France ! (ou comment la France est évacuée de documents officiels payés par les deniers publics)
--> Referendum en Alsace : un chèque en blanc ? (ou comment on nous demande de voter pour un projet dont on nous donnera le contenu plus tard)
--> Un Conseil pas Unique du tout : le Conseil Complexifié d'Alsace (ou comment le conseil unique n'est plus unique du tout)
--> La joie des autonomistes (ou comment les officines autonomistes d'Alsace appellent à voter pour le oui et réveillent les passions identitaires)
--> Vieux jeu, le département ? (ou comment on caricature l'histoire du département pour en faire une institution dépassée)
--> CTA : le flou artistique ! (ou comment on nous propose de voter pour un projet aux contours très flous, voire inquiétant)
--> Vers la suppression des 25%? (ou comment nos élites politiciennes ont tenté en catimini de faire sauter le seuil de 25% de participation)
--> Comment transmuer le simple en complexe (et vice-versa) (ou comment on cherche à influencer les électeurs par des illusions de perspective)
--> Le referendum d'initiative locale : mise en perspective historique (où l'on se souviendra des précédents refus de la Corse et de l'Outre-mer)
--> La Collectivité Territoriale d'Alsace : les DOCUMENTS (où l'on trouvera les textes officiels concernant la consultation du 7 avril)
--> La surenchère régionaliste en Alsace (où l'on verra que des politiciens de bords très différents ne sont pas très clairs avec leurs électeurs)
--> La tentation ethnique des Verts et le soutien du PS (où l'on découvrira qu'Europe Ecologie soutient les partis autonomistes et indépendantistes qui ont obtenu des élus avec le soutien indirect du PS)