Les enjeux de la Collectivité Territoriale d'Alsace (anciennement Conseil Unique d'Alsace) : des éléments pour débattre. Institutions d'avenir ou illusion collective ? --- Analyses proposées par Mathieu Lavarenne, président du Cercle Républicain 68 Edouard Boeglin et conseiller municipal (indépendant) dans un petit village alsacien. Plus de 22 000 visiteurs uniques en quelques semaines. Blog qui a "fait se dresser les cheveux sur la tête" de Philippe Richert, référencé par France Info.
21 Décembre 2013
Referendum - Fusion des collectivités
Dans la même séance, la ministre est une nouvelle fois interpellée sur l’absence de referendum pour la création des nouvelles métropoles. Elle y répond en arguant du fait que ce ne serait que de simples EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), comme les communautés de communes, donc pas de véritables collectivités. Contre-argument immédiat du député Marc Dolez (Nord) qui souligne un paradoxe : « dire que, les métropoles étant des EPCI, cela ne justifie pas la consultation des citoyens, ne me semble pas recevable, compte tenu de la mise en perspective justement des métropoles et de votre volonté de les faire élire, au moins pour partie, au suffrage universel direct à partir de 2020. Par conséquent, nous [le groupe Gauche démocrate et républicaine], nous sommes favorables au referendum dans tous les cas de figure ». Le député UMP Patrick Ollier (Hauts de Seine) en rajoute une couche : « Est-ce que la structure juridique est incompatible avec la consultation de la population ? Le fait que dans le cadre d’une structure juridique à laquelle vous donnez tous les pouvoirs financiers, les pouvoirs de décisions sur le plan de l’aménagement, de l’urbanisme, etc., le logement, c'est-à-dire qui touche au foncier, à l’organisation de la commune, il me semble normal que le referendum puisse être au rendez-vous pour qu’il y ait une décision d’ordre populaire. […] La structure juridique ne justifie pas l’absence de démocratie ». Deux coups d'épée dans l'eau.
Quelques jours plus tard, le 11 décembre 2013, l'article est débattu une nouvelle fois à l’Assemblée Nationale, en deuxième lecture. Dans le texte proposé - cela se confirme - la suppression de la condition de referendum se limite aux seules fusions entre régions. Et il réduit aussi à 10% le nombre des membres d'une assemblée départementale ou régionale pouvant faire inscrire à l’ordre du jour une fusion de collectivités ou une modification de limites régionales.
Au cours des débats, Marylise Lebranchu reconnaît qu’une trop grande malléabilité des collectivités est un facteur de déstabilisation territoriale : « un certain nombre d’études économiques ont été conduites. Il est très difficile pour moi de le dire parce que je suis membre du Gouvernement, j’avais défendu à un moment donné cette position, et je me suis rendu compte avec de bons économistes aménageurs du territoire que la barrière Rennes-Nantes était favorable sur le plan économique à Brest, Quimper, Vannes, Lorient, Nantes et Rennes mais défavorable à une zone allant de Lamballe à Saint-Brieuc. C’est un élément que nous n’avions jamais étudié ensemble ». Elle reconnaît aussi que les départements ont une fonction de "proximité" que les régions n'ont pas : "Il est très compliqué d'éloigner certaines politiques, comme l'action sociale, de la population. [...] Les départements n’ont de sens que s’ils restent un échelon de proximité. Si certains d’entre eux se regroupent de façon volontaire, sans intervention du législateur, sans consultation des électeurs, cela pourrait être un facteur de déséquilibre au sein de certaines régions". Le 12 décembre, l’article est adopté sans nouvel amendement : la suppression de referendum se "limite" au seul cas des fusions de régions (ce qui reste éminemment contestable).
Mardi 17 décembre 2013, la commission paritaire mixte, composée de 7 députés et 7 sénateurs, s’est ensuite réunie pour statuer sur les éléments restant conflictuels entre Sénat et Assemblée. Le texte avancé propose donc de limiter la suppression du referendum aux seules régions, mais en y ajoutant le critère d’un vote aux trois cinquièmes des deux conseils régionaux concernés. Mais au final, après les débats, le texte élaboré par cette commission voit disparaître complètement la suppression du principe référendaire. Un argument semble avoir porté : celui de l’inconstitutionnalité potentielle à donner des règles différentes pour des strates différentes de collectivités territoriales.
Dans le texte adopté le 19 décembre 2013, l’article 9bisB devient donc l’article 8. Il ne lui reste que l’abaissement à 10% du nombre d’élus pouvant demander l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de fusion entre départements et régions, entre seuls départements ou de modification de limites régionales par absorption d’un département par sa région limitrophe. Dans le cas d’une fusion de région, en plus de la nécessité d'un referendum, le seuil reste à 25%. Dans tous les cas de figure, le referendum reste la règle.
Le président de la Commission des lois et député PS Jean-Jacques Urvoas (Finistère), affirmait déjà le 27 novembre : "Nous allons donc probablement enregistrer une défaite [avec le rétablissement de la condition de referendum pour les départements, pour les fusions de collectivités de strates différentes ou pour les modifications de limites régionales], mais nous ne considérons pas qu’elle est définitive. Nous prenons rendez-vous au printemps 2014 quand nous examinerons le projet de loi de régionalisation". Vraiment... pas le temps de souffler.
Notons aussi l’intervention anxieuse du député PRG Alain Tourret (Calvados), le même jour : « est-ce qu’on peut tirer un peu les leçons de ce qui s’est passé en Alsace ? [...] C’était une belle proposition qui trouvait un accord de la très grande majorité des élus. C’est une proposition qui est tombée par terre et nous en subissons encore les conséquences. Alors, ce que je crains à partir de ce moment-là avec votre proposition, c’est que, en consultant comme ça l’a été les populations et que ça aboutit à un refus, nous allons vers un front du refus et je crains beaucoup ce front du refus ». Ne consultons pas les citoyens parce qu’ils risquent de dire "non" comme le 7 avril en Alsace.
C'est le choix qui est fait pour la création de ces "métropoles" qui risquent d'éloigner encore plus les élus de leurs électeurs. Des "administrés" auquels on n'aura demandé ni leur avis, ni même de réfléchir à la question à travers l'organisation d'un débat public et raisonné. Gageons pourtant que les citoyens ne rêvent que d'une chose : être enfin convaincus par leurs représentants, en ces temps de crise de confiance radicale. Et non pas qu'on leur tourne une nouvelle fois le dos, dans un cercle vicieux dangereux pour tous. C'est le principe même de la démocratie.
Rien n’est donc vraiment terminé.
Nous n'avons pas d’autre choix que celui de la vigilance.
Rendez-vous au printemps.
Mathieu Lavarenne
Président du Cercle Républicain 68
- Pour consulter le dossier législatif sur le site du Sénat : cliquer ici.
- Pour les comptes-rendus de débats à l'Assemblée :
mercredi 11 décembre première séance
mercredi 11 décembre deuxième séance
jeudi 12 décembre première séance
jeudi 12 décembre deuxième séance
- La vidéo de la commission des lois du 27 novembre 2013 (10')
- Pour consulter l'intégralité du projet de loi, à la date du 19 décembre 2013.
--> Sommaire du blog
--> Eh bien non ! Ce sera oui quand même... (1er septembre 2013) - (où l'on verra que moins de trois mois après le non alsacien, un amendement était voté à l'assemblée pour supprimer la condition de referendum)
L'analyse des résultats :
--> En Alsace, c’est « non » ! (où l’on trouvera des éléments d’analyse pour comprendre les résultats du 7 avril 2013 et faire le bilan de la campagne référendaire).
D'autres articles sur ce blog :
--> La notice d'information "hors la loi" - pour quoi votera-t-on : un projet ou une fusion ?
--> Le schéma trompeur de la notice dite d'information
--> Le NON (censuré ?!) de Bernard Notter, vice-président du Conseil Général du Haut-Rhin !
--> La prudence avisée des Conseils de développement Mulhouse-Thur-Doller
--> Les médias qui protègent le "oui"
--> Le flop des réunions pour le "oui"
--> Menace sur les communes ! Où est la proximité ?
--> Sondage : le grand malentendu du "Oui"
--> Economies, êtes-vous bien là ?
--> Appel au débat contradictoire : où sont passés les partisans du oui ?
--> Rien n'est joué d'avance... : la mobilisation sur internet sera cruciale : pour un non de raison et de prudence
--> Le 7 avril : NON, pas l'abstention !
--> Oui - Non : deux poids, deux mesures ?!? Lettre ouverte à la présidente de l'Université de Haute Alsace
--> Comprendre les enjeux du seuil de 25% des inscrits
--> L'Eurométropole ET le Conseil (pas unique) d'Alsace
--> Charles Buttner : ni économies, ni simplification !
--> Referendum en Alsace : un chèque en blanc ?
--> Histoire et principes de la structure départementale
--> CTA : le flou artistique !
--> Point de vue de l'historien Georges Bischoff : "ne pas se tromper d'Alsace"
--> Ils diront non : les arguments de Constant Goerg, Jean Ueberschlag ou encore Pierre Freyburger
--> Conseil d'Alsace : des infographies pour mieux comprendre
--> L'oubli de la France !
--> Pour un débat public et responsable
--> Vers la suppression des 25%?
--> Le referendum d'initiative locale : mise en perspective.
--> Un Conseil pas Unique du tout : le Conseil Complexifié d'Alsace
--> La surenchère régionaliste en Alsace.